En 2024, l’Afrique subsaharienne fait face à un défi décisif : garantir l’accès à une éducation de qualité pour tous. Avec une population scolaire en pleine explosion, la demande en infrastructures, en enseignants qualifiés, et en ressources pédagogiques ne cesse d’augmenter – mais les systèmes éducatifs peinent à suivre.
Selon l’UNESCO, 1 enfant sur 5 en Afrique subsaharienne n’a toujours pas accès à l’école primaire, soit environ 59 millions d’enfants privés de leur droit fondamental à l’éducation.
Quels obstacles empêchent donc des millions de jeunes Africains d’accéder à l’éducation de qualité ? Pourquoi, malgré les progrès, tant d’enfants restent-ils en marge du système scolaire ?
1. Au-delà des frais de scolarité : Les coûts annexes rendent l’éducation inaccessible en Afrique
Lorsqu’on parle de l’accès à l’éducation en Afrique, on pense souvent aux frais de scolarité comme le principal obstacle. Pourtant, dans de nombreux pays, même si l’école est officiellement gratuite, beaucoup de familles ne parviennent toujours pas à envoyer leurs enfants en classe. Le problème va au-delà de ces frais de scolarité – ce sont les frais annexes qui représentent une barrière invisible, mais bien réelle, pour des millions de foyers africains.
La réalité des coûts annexes
Ces dépenses, souvent oubliées dans le débat sur l’accès à l’éducation de qualité , comprennent l’achat des uniformes scolaires, des fournitures de base comme les cahiers, stylos et manuels, ainsi que parfois des frais d’examen ou d’entretien pour l’école. Ces coûts cumulés peuvent être décourageants pour les familles vivant dans la pauvreté.
Par exemple, acheter un uniforme coûte généralement entre 10 et 20 dollars, ce qui peut représenter plusieurs semaines de dépenses alimentaires pour les familles dont le revenu quotidien est inférieur à 2 dollars. En conséquence, de nombreux enfants restent chez eux, privés d’éducation, non pas par manque de volonté mais par incapacité de payer ces frais.
Au-delà de ces coûts visibles, les familles doivent souvent participer à des “contributions” pour les activités parascolaires ou l’entretien des bâtiments.
Dans les zones rurales, où les écoles peuvent être éloignées, le transport devient également une dépense importante. Les parents doivent soit trouver des moyens de transport sécurisés et abordables pour leurs enfants, soit leur permettre de parcourir de longues distances à pied, ce qui peut nuire à leur assiduité.
En somme, ces frais “annexes” transforment l’éducation gratuite en un luxe inabordable pour une majorité des ménages, rendant l’objectif d’une éducation de qualité pour tous plus difficile à atteindre .
Quand choisir entre l’école et les besoins de base devient une réalité
La pauvreté est un facteur clé dans l’abandon ou la non-scolarisation des enfants en Afrique. Pour de nombreuses familles africaines, où le revenu est souvent instable et insuffisant, chaque dépense doit être soigneusement calculée. Dans ces conditions, envoyer un enfant à l’école signifie parfois sacrifier d’autres besoins essentiels comme la nourriture, les soins médicaux ou l’entretien du foyer.
En Ouganda, par exemple, l’école primaire est en théorie gratuite, mais cela n’a pas suffi à faire chuter le taux d’abandon scolaire. Lorsqu’une famille a plusieurs enfants en âge scolaire, ces dépenses se multiplient rapidement et deviennent insoutenables. Cela crée une situation où, malgré les efforts pour rendre l’éducation plus accessible, la pauvreté empêche encore des millions d’enfants d’atteindre les bancs de l’école, limitant ainsi leurs perspectives d’avenir.
Certaines familles doivent également faire face à des dépenses imprévues, comme des contributions pour des projets scolaires ou des frais parascolaires, qui bien que bénéfiques, deviennent des obstacles supplémentaires pour ceux qui peinent déjà à joindre les deux bouts.
En définitive, bien que les gouvernements fassent des efforts pour éliminer les frais de scolarité directs, la pauvreté persistante empêche de nombreux enfants d’accéder à l’éducation de qualité. Cela crée un cercle vicieux où le manque d’éducation perpétue la pauvreté générationnelle, freinant ainsi le développement socio-économique de toute la région
2. Quantité sans qualité : le paradoxe de l’éducation en Afrique face à la pénurie d’enseignants qualifiés
En Afrique, le défi de l’éducation ne se limite pas seulement à permettre l’accès à l’école, mais également et surtout à garantir une éducation de qualité.
L’augmentation du nombre d’enseignants et la persistance du manque de qualification
Au cours des dernières décennies, l’Afrique subsaharienne a enregistré une augmentation significative du nombre d’enseignants. En réponse à la croissance démographique et aux pressions pour l’éducation universelle, de nombreux gouvernements ont multiplié les recrutements d’enseignants pour réduire le ratio élèves-enseignant. En 1990, dans certaines régions, il y avait un enseignant pour environ 70 élèves, tandis qu’aujourd’hui, le chiffre est descendu à un enseignant pour 58 élèves en moyenne . Cependant, cette augmentation en nombre ne s’accompagne pas toujours d’une amélioration en termes de formation et de qualification des enseignants.
Aujourd’hui, une large proportion des enseignants en Afrique subsaharienne n’ont pas reçu la formation nécessaire pour offrir une éducation de qualité. Beaucoup d’entre eux entrent dans la profession sans passer par des programmes de formation pédagogique complets. Le rapport de la Banque mondiale indique qu’en 2024, environ 40 % des enseignants du primaire en Afrique subsaharienne n’ont pas les qualifications adéquates pour enseigner au niveau requis
Dans les zones rurales, notamment, où le besoin est le plus pressant, il n’est pas rare de trouver des enseignants sans diplômes spécialisés ni compétences pédagogiques avancées.
Ce manque de qualification entraîne un enseignement limité, où l’accent est souvent mis sur la répétition mécanique des connaissances plutôt que sur la compréhension et la pensée critique, ce qui nuit au développement des compétences essentielles des élèves .
Un accès élargi, mais des résultats paradoxaux avec une augmentation de l’analphabétisme
Avec l’introduction de la gratuité scolaire dans de nombreux pays africains, l’accès à l’école primaire a fortement progressé depuis les années 2000. Aujourd’hui, des millions d’enfants qui n’auraient pas eu accès à l’école dans les décennies précédentes sont désormais scolarisés. Paradoxalement, malgré cette avancée en termes d’accès, les niveaux d’analphabétisme chez les jeunes sont en augmentation. Selon l’UNESCO, environ 50 % des élèves quittent l’école primaire sans savoir lire couramment ni réaliser des calculs de base .
Dans les années 1990, bien que l’accès à l’éducation fût plus restreint, la formation des enseignants était souvent plus rigoureuse et permettait de maintenir un niveau minimal de compétence pour les élèves qui accédaient à l’école. Aujourd’hui, la massification de l’éducation s’est faite au détriment de la qualité : les classes sont surchargées, les enseignants débordés, et les programmes éducatifs rarement adaptés aux réalités locales.
En Afrique du Sud, par exemple, bien que presque tous les enfants fréquentent l’école, beaucoup ont des difficultés à lire couramment à la fin de l’école primaire. Une étude du PIRLS (progress in international reading literacy study), a révélé que 78 % des élèves de 4e année en Afrique du Sud ne pouvaient pas lire de manière compréhensible dans aucune langue. Ce décalage entre l’accès à l’éducation et les résultats illustre le paradoxe : davantage d’enfants sont scolarisés, mais beaucoup sont encore incapables d’acquérir une littératie fonctionnelle.
Cette situation conduit à une “scolarisation sans apprentissage”, où les enfants passent des années en classe sans acquérir les compétences de base, limitant ainsi leur potentiel d’avenir et celui de leurs communautés .
3.Un accès difficile et inégal : les populations africaines marginalisées face à l’éducation de qualité
Les enfants issus de communautés marginalisées, comme les filles, les enfants handicapés ou ceux vivant dans la pauvreté extrême, sont les plus durement touchés par les défis d’accès à l’éducation. Les filles, en particulier dans les zones rurales, sont souvent déscolarisées pour se marier jeune ou accomplir des tâches ménagères.
Les causes de cette marginalisation sont multiples : La pauvreté, la distance entre les écoles et les communautés rurales, ainsi que les conflits et l’instabilité politique freinent l’accès à une éducation de qualité.
Les enfants marginalisés
L’accès à l’éducation en Afrique reste un défi majeur pour les populations marginalisées. Historiquement, les filles, en particulier dans les zones rurales, sont souvent désavantagées dans l’accès à l’éducation en raison de normes culturelles et des responsabilités domestiques précoces. En 2000, le taux de scolarisation des filles en primaire dans les pays d’Afrique subsaharienne n’était que de 53 %, bien inférieur à celui des garçons .
Aujourd’hui, malgré des progrès notables, l’inégalité persiste. En 2023, les filles représentent encore 9 millions des enfants non scolarisés dans la région, avec un taux d’abandon scolaire particulièrement élevé au niveau secondaire, où les mariages précoces et les grossesses adolescentes jouent un rôle déterminant .
Pour les enfants en situation de handicap , sont fréquemment exclus des systèmes scolaires en raison de l’absence d’infrastructures adaptées et de soutien spécialisé. En effet Très peu d’écoles sont adaptées pour les accueillir et les enseignants ne disposent pas de la formation nécessaire pour répondre à leurs besoins spécifiques. En conséquence, la plupart des enfants ayant des besoins spécifiques n’accèdent jamais à l’éducation, contribuant à les maintenir dans un cycle de pauvreté et d’exclusion.
Dans certains pays , les violences liées aux groupes armés ont conduit à la fermeture de nombreuses écoles, privant des milliers d’enfants d’une éducation de qualité. En République Centrafricaine, par exemple, plus de la moitié des enfants en âge de fréquenter l’école primaire ne sont pas inscrits, en grande partie à cause des conflits prolongés et de l’instabilité.
La situation est également critique dans les zones frontalières ou montagneuses, où les infrastructures éducatives sont souvent absentes. En Éthiopie, les enfants issus de groupes nomades ou pastoraux peinent à intégrer le système scolaire traditionnel, car ce dernier ne prend pas en compte leur mode de vie particulier. Des initiatives comme l’éducation mobile ont été tentées dans certains pays, mais elles restent insuffisantes en raison du manque de financement et de coordination.
Ainsi, bien que des progrès aient été réalisés dans certaines parties d’Afrique subsaharienne, les enfants marginalisés continuent de se heurter à des défis structurels qui entravent leur accès à une éducation de qualité.
Les enfants en zone périphérique
Les enfants vivant dans la pauvreté extrême, en particulier ceux des zones rurales, font face à des défis importants pour accéder à l’éducation de qualité. Dans les zones urbaines, où les écoles sont plus accessibles et mieux équipées, les taux de scolarisation sont souvent plus élevés. En revanche, dans les zones rurales, le manque d’infrastructures, la distance entre les habitations et les écoles, ainsi que le coût des frais annexes (uniformes, fournitures) constituent des obstacles majeurs. En 2024, près de 41 % des enfants en milieu rural en Afrique subsaharienne ne vont toujours pas à l’école .
La pauvreté extrême oblige les familles rurales à faire des choix difficiles. Pour ces foyers, envoyer un enfant à l’école signifie souvent sacrifier un revenu potentiel, car les enfants participent aux travaux agricoles ou domestiques. Ces réalités économiques empêchent les familles de prioriser l’éducation, et les enfants restent piégés dans un cycle de pauvreté générationnelle. Par rapport aux années 1990, le taux de scolarisation dans les zones rurales a certes augmenté, mais l’écart entre les zones rurales et urbaines reste considérable. En l’absence de politiques inclusives pour ces zones défavorisées, les enfants vivant dans la pauvreté extrême continueront d’être laissés pour compte.
Ces défis structurels et économiques, couplés aux pressions sociales, créent une dynamique où les enfants marginalisés et ceux en zones isolées voient leurs chances d’accéder à une éducation de qualité réduites.
Conclusion :
L’accès à une éducation de qualité en Afrique reste un défi complexe et urgent, surtout pour les enfants marginalisés et ceux vivant en zones rurales. Chaque obstacle – qu’il s’agisse des coûts cachés, du manque d’enseignants qualifiés ou des distances décourageantes – réduit les chances de millions d’enfants de réaliser leur potentiel et de briser le cycle de la pauvreté.
Nous sommes tous acteurs de ce changement. En travaillant ensemble, en unissant nos ressources et nos idées, nous avons le pouvoir de transformer la réalité pour des millions d’enfants africains, de briser les cycles de pauvreté et de bâtir une Afrique où chaque enfant, sans exception, peut rêver, apprendre, et prospérer.
1 commentaire
Salomon
Très encourageant !